vendredi, août 22, 2014

"Tant de larmes ont coulé depuis, tantas lagrimas han corrido desde entonces" d'Alfons Cervera

Alfons Cervera est venu au Grain des Mots (Montpellier) au printemps nous parler de son écriture...  Avant sa venue, j'ai tenté de lire son dernier roman traduit en français, "Tant de larmes ont coulé depuis", mais j'ai buté contre la particularité de son écriture... Je m'y suis donc reprise à deux fois pour enfin réussir à entrer dans son univers qui m'a, au final, bien emballée !

Marc Ossorguine, qui a animé cette rencontre à Montpellier, a déjà très bien dit ce que l'on peut en dire ! Voici donc l'article qu'il a publié sur son blog "Fil de lectures" et qu'il a accepté de republier ici, sur Version Libre... A la suite de son article, j'ai ajouté quelques extraits pour vous donner une idée et envie de partir en exploration !

Des voix exilées


Voici le quatrième roman d'Alfons Cervera, l'écrivain valencien qui nous est offert, traduit en français par le fidèle et complice George Tyras. Après La couleur du crépuscule(@) et Maquis à La fosse aux ours (premiers titres du cycle de la mémoire qui comptent 5 romans), puis Ces vies-là (@) à la Contre allée, voici Tant de larmes ont coulé depuis,Tantas lágrimas han corrido desde entonces, dernier titre publié outre Pyrénées (2012).

Alfons Cervera - Tant de larmes ont coulé depuis
Alfons Cervera - Tant de larmes ont coulé depuis

Le principal narrateur de ce roman a émigré en France, à Orange, il y a des années et revient aujourd'hui à son village perdu dans la "Serranía valenciana", Los Yesares, pour l'enterrement de la mère de son ami Alfons. Le récit s'inscrit donc dans une certaine continuité avec le cycle de la mémoire et avec Ces vies-là et mêle présent et passé, faits réels revisités ou réinventés, voix multiples...révélant et construisant une mémoire d'aujourd'hui sur les souvenirs du passé.
"La mémoire se construit par sauts successifs, en laissant dans son récit des trous intermédiaires, comme si une solution de continuité était possible au bout du compte entre ce qui a existé pour de vrai et ce que nous imaginons."
La mémoire n'est pas du passé, rappelle Alfons Cervera, mais bien du présent, nourri d'images et de bruits du passé qui se sont fragmentés, dispersés, et dans lesquels on se perd parfois. Un labyrinthe d'incertitude toujours menacé par l'oubli et les mensonges. Une mémoire qui ne se soumet pas non plus aux récits sagement découpés et soigneusement clos que l'histoire, celle qui se dit Histoire, voudrait officialiser. Mais l'histoire s'écrit avec des vies et des morts insignifiantes. Dans cette histoire-là, celle qui s'inscrit dans les corps, les gestes, les voix, les murs, et parfois dans de tels livres, la guerre ne se finit pas toujours à la fin de la guerre et l'exil, qu'il soit politique ou économique, ne connaît pas de fin. Cela vaut que l'on vienne d'Espagne, du Maroc ou de quelque autre pays ou région du monde. Le regard des exilés sur le monde qu'ils perdent et celui qu'ils découvrent est sans doute le même, quelle que soit la couleur de leur peau ou la géographie de leur exil.
Au fil du récit, plusieurs voix se croisent, se font écho et parfois se brouillent. Le lecteur n'est plus trop sûr de qui parle à chaque instant, mais cela importe au fond assez peu. Des voix parlent. Des mots se font entendre, souvent hésitants, fragmentaires, parfois confus, parfois redondants. Mais petit à petit, un puzzle précis d'impressions, de douleurs et de colères, de renoncements et d'espoirs, se compose et nous permet de comprendre un peu mieux le passé et l'histoire de tous ces exilés qui vivent parmi nous et parmi lesquels nous vivons. Ces exilés que nous sommes peut-être aussi, comme tout humain, au fond.

La version originale, ed. Montesinos
La version originale, ed. Montesinos

Tant de larmes ont coulé depuis est donc un livre sur l'exil et la mémoire, mais pas seulement. C'est aussi un livre qui s'écrit un peu devant nous et où l'auteur-narrateur nous fait part de ses réflexions sur la mémoire et l'exil, sur l'écriture qui pourrait dire cette mémoire destinée au silence et à l'oubli. Avec la poésie d'une langue simple et profondément riche, Alfons Cervera nous propose un texte qui est aussi une manière d'essai dont les dimensions historiques, poétiques, littéraires et philosophiques, voire sociologiques, ne sont pas "incompatibles", pour une fois. Au fil des pages, les passages que l'ont recopie ou que l'on met en évidence d'un trait de crayon se multiplient, et nombre de phrases et d'images résonnent encore une fois le livre refermé. Notre mémoire du livre se construit en se mêlant à nous, nous construit par la part d'incertitude qu'il a fait naître en nous par la découverte de ces destins oubliés, méprisés, croisés chaque jour mais rarement rencontrés.
C'est sans doute cela que l'on attend d'un écrivain et d'un livre : qu'il nous révèle une partie du monde que nous ne savions voir et que nous commençons à comprendre, sans forcément chercher à l'expliquer. Une rencontre qui contribue aussi à nous changer et à faire de nous ce que nous sommes et serons demain.
Un livre, une œuvre et une voix à découvrir si ce n'est déjà fait.
Alors que nous attendons la publication de La nuit immobile, 3e volume du "cycle de la mémoire", signalons qu'en Espagne, l'ensemble de ce cycle a été réuni en un seul volume sous le titre Las voces fugitives. On y trouve donc La color del crepúsculo, Maquis, La noche inmóvil, La sombra del cielo et Aquel invierno, le tout précédé d'une préface de Georges Tyras, le traducteur français de l’œuvre de Cervera.

Marc Ossorguine

Pour partager un peu de cette sorte d'ovni littéraire, voici quelques extraits choisis...

PP 24-25
« Lorsque je suis arrivé en France, avec mes parents, à peine âgé de neuf ans, je ne savais pas qui était Miguel Hernandez, ni que bien des années plus tard je serais dans les journaux et à la télévision avec le visage apeuré d'un enfant qui n'était pas moi mais qui me ressemblait beaucoup. Sauf pour la couleur de la peau, pour tout le reste nous étions pareils, l'enfant des journaux et moi, lorsqu'on est arrivé à Orange. Le vieux cinéma du village est à présent une ruine envahie par les herbes en décomposition et les cadavres d'oiseaux. Une barrière de fer rouillé, les murs pleins de crevasses provoquées par les pelles mécaniques, la petite scène enterrée de façon obscène sous les gravats. J'ignore la raison de cette ruine. Ce que je sais, c'est que le regard de l'enfant dont la photo paraît dans les journaux et celui qui se perdait derrière le photographe inconnu dans une gare de France il y a cinquante ans sont pareils. Tous deux présentent la même brillance éteinte, l même tristesse et le même désarroi. La même peur. »
PP 87-88
« Plus tard, des années plus tard, j'ai compris que personne n'est à jamais du même endroit, que les lieux, nous les portons en nous, avec les gens qui les habitent, et que nous nous construisons peu à peu avec les lambeaux de tout ce que nous trouvons sur notre chemin, que grand-mère Delmira avait raison ou avait du moins la raison que toujours recèlent les mots parfois inexplicables de la folie. Dès notre arrivée à Orange commença à s'imposer la conviction que, quel qu'allait être notre destin sur ces terres étrangères où nous débarquions pour vaincre la faim, il n'y aurait pas de retour, ni à Los Yesares ni nulle part ailleurs. Le voyage débutait avec cette photo anonyme à la gare, avec ma mère et moi penché à la fenêtre les yeux emplis d'appréhension, et il n'est pas achevé, si longtemps après, au moment où, d'ici peu, j'empoignerai le cercueil de Teresa avec Miguel, Lucio et David Catarro, et que nous le porterons sur nos épaules pour gravir les marches qui conduisent au parvis de l'église. J'ignore si le temps existe ou pas, comme le soutenait Gerardo à Manuel le boulanger pendant les soirées de répétition du Don Juan Tenorio, mais je sais qu'il disparaît dans les replis de l'exil, de tous les exils, aussi bien celui qui conduisit le père anarchiste de Roman en France que celui qui nous arracha à Los Yesares, bien des années plus tard, pour ne pas mourir de faim. »
PP 109-110
« Il faisait froid et un mistral dur et parcimonieux, qui poussait des amas de feuilles humides, soufflait vers la place Lucien Larroyenne. Il était midi, un carré de soleil réunissait un groupe de jeunes maghrébins derrière la Comédie. J'appelais Aurora de mon portable : Je t'appelle d'ici, je lui dis. C'est où ça, ici ? Eh bien, mais à Orange, où veux-tu que ce soit. Aurora vivait à Orange il y a de nombreuses années et elle y a eu un fiancé français qui s'appelait François. La mémoire a toujours un lieu de référence. Il est impossible de se souvenir depuis nulle part. Le temps commence à s'écouler en titubant, comme s'il suivait des chemins de terre et qu'il soit aveuglé par la poussière. Marcher à l'aveuglette dans le temps. Parfois je me dis que la mémoire, c'est cela, chercher comme par instinct ce qu'il y a eu auparavant, cet endroit envahi de brume d'où nous nous sommes échappés une fois pour trouver une issue qui ne sera jamais celle que nous attendions. Le fiancé d'Aurora se prénommait François et l'été, il allait lui rendre visite à Los Yesares, quand elle et ses parents avaient quitté Orange sans espoir de retour à leur maison du boulevard Edouard Daladier, tout près de là où nous vivions, nous. Des gens rentrent à La Agricola, ils viennent à l'enterrement. Le froid de Los Yesares est semblable à celui de la maison du canal, semblable aussi le calme, cette lenteur qui est parfois plus propre à la vie qu'à la mort. Un silence étrange s'est soudain emparé de la rue. Nous avons commencé à parler chez Teresa et Aurora poursuit la remémoration de ses fiancés français et des fenêtres om se reflétait une jeune femme avec un visage de vieille. De temps en temps elle regarde Marie-Pierre et c'est comme si elle retournait aux jours d'été à Orange, à Caderousse, aux chansons de Johnny Hallyday et Françoise Hardy. Un jour j'ai vu François au Café des Glaces et il m'a dit que les étés à Los Yesares, c'était fini. La vie, c'est la vie, parfois elle réunit les gens et d'autres fois elle leur fait prendre des routes diférentes. »

mercredi, août 20, 2014

"La Meute des honnêtes gens" de Laurence Biberfeld

ou comment, quelle que soit l'époque, les victimes sont les coupables idéaux...
L'indéniable charme de ce roman, c'est son écriture précise, truffée d'expressions occitanes et de riches descriptions visuelles et olfactives de ces paysages cévenols à la fois foisonnants et arides. C'est aussi ses décorticages des sentiments et des émotions complexes qui sont ressentis par des protagonistes simples et bien trop souvent invisibles... Bref, ce livre est de ceux qui, une fois refermés, continuent à vivre en moi !


L'auteure de ce roman percutant, Laurence Biberfeld, vit au Vigan, dans les Cévennes, où elle a choisi de situer l'action de cette histoire ciselée...
« Lazare Volquès, filateur cévenol fortuné, est retrouvé égorgé au bord de la rivière bordant sa magnanerie un été où la chaleur rend folles les fileuses qu’il exploite. De ce XIXe siècle, on sait les conditions de vie de la basse main-d’œuvre, pléthorique et hiérarchisée, les bagnes d’enfants où croupissent des graines que personne ne veut voir pousser… Et, partout, la peur de voir déborder les trimards et les bâtards des cages où on les fait boulonner. Un gros siècle plus tard, un descendant de Lazare, Gérard Volquès, maire du village, est découvert pareillement tranché d’une oreille à l’autre, gisant au bord de la même rivière. Quelle que soit l’époque, les fautifs naturels sont toujours domestiques, ouvriers, femmes adultères, cloches, manouches ou squatteurs. Et toujours, juchée sur le barreau le plus bas de l’échelle sociale, c’est la meute des honnêtes gens qui bastonne bravement les damnés, les déchus et les pauvres qui relèvent la tête. Qui expliquera ces meurtres ? »
c'est ce qu'en disent ses éditeurs, les Editions Au-delà du raisonnable, qui déclarent qu'ils ont « choisi de raconter la face noire du monde et de son histoire, [parce que] tout en nous divertissant de notre nombril, elle éclaire nos consciences. » Ils disent aussi de cette auteure :
« Laurence Biberfeld est née en 1960 à Toulouse. Ayant pris son vol très tôt pour se fracasser contre le pavé le plus proche, elle exerce pendant quelques années divers sous-métiers avant de passer son baccalauréat en candidat libre, puis le concours d’instit en 1980. Elle fait ce métier dix-huit ans, puis décide d’arrêter de gagner sa vie pour écrire et dessiner à plein temps. »
Pour en savoir plus sur cette auteure à découvrir, vous pouvez aussi aller visiter son site personnel qui est très généreux !




Voici quelques extraits...
PP. 42-43
« Les odeurs de l'été lui arrivaient en touffes, elles giclaient dans la cellule, glissaient contre les murs humides et s'affalaient par terre. L'odeur des buis, enivrante, et celle des pins, l'odeur lourde et sucré d'un noyer, l'odeur de miel du lierre et des gaillets. L'odeur soûlante du thym, l'odeur violente et tenace de la rue. L'odeur légère et fine des ronces et des églantiers. Il sourit. Les colons puaient. Ils puaient la merde, la sueur liquide sur des couches de sueur sèche, les gras cristaux dans les poils, le sperme séché, le suint des cheveux rasés. Leurs pieds puaient désespérément au fond de leurs sabots, puaient comme le pelage mouillé des vieux chiens. Leurs bouches puaient les dents gâtées, la faim, encore et toujours. Ils puaient la pisse, surtout les plus petits. »


P.53
« A partir de là, ils longèrent les Cévennes. Une pelisse de forêt mangea les affleurements de calcaire, déployant de grandes masses grises, vert sombre, vert argenté. Le ciel se couvrit d'une taie de plomb. Après Ganges, la montagne se referma sur eux. La roche, parfois, se dressait en falaises tortueuses et bleues, en plissements contrariés qui surplombaient le bus minuscule. La route, longeant l'Hérault gonflé par les grosses pluies de la fin de l'hiver, serpentait le long d'abrupts impénétrables. Dans la vallée, quand elle s'élargissait, sur les faïsses qui épousaient les courbes des pentes, ils voyaient scintiller les feuillages des oliviers secoués par le vent. Peu avant Saint-Julien-de-la-Nef, le calcaire laissa brusquement la place aux schistes, le paysage s'assombrit davantage avec les affleurements ardoisés. La châtaigneraie encore nue s'imbriquait dans le moutonnement foncé des buis et des kermès. De temps en temps, la coulée sombre d'une cédraie fendait un taillis coriace, cendré. De longs bâtiments à l'abandon se dressaient le long de la rivière, montrant leurs vastes fenêtres crevées.
- Des filatures, expliqua fièrement le chauffeur. »


PP. 215-217
« Cela ne servirait à rien. La gosse s'était résignée, elle ne luttait plus. Il pensa au Quinsou, à sa propre enfance encore vivace en lui. Il fallait avoir la hargne de vivre chevillée au corps pour s'accrocher à l'existence quand on n'était rien pour personne. Cette gamine aurait pu être sauvée si elle avait eu la moindre importance. Mais elle passait après les semailles, après l'agnelage et les labours, après la taille, après le repos. Des enfants ! Il en poussait par grappes dans les ventres, partout, en toutes saisons. Leurs bras ne devenaient utiles qu'au bout de longues années, pendant lesquelles il fallait les nourrir comme des tiques, comme des chancres. Des enfants ! Qui en voulait ? (…)
Il travailla tout le jour, ne laissant jamais sortir Brilheta de son champ visuel. La petite lui faisait toucher du doigt à quel point le bagne des enfants excédait les murs des colonies, les portes des fabriques et des mines. Ils étaient jetés à profusion dans ces troupeaux d'humains féroces et cupides qui les foulaient comme une meule le grain ou les olives. Mais le besoin d'aimer n'était-il vivace que chez les enfants ? Il haïssait les hommes de tout son cœur. Il les trouvait laids, sans lumière, rampants, immergés dans la lourdeur de leur viande et de la terre ou de l'argent, plus bornés que leurs champs et leurs demeures jalousement défendues. Ma était ainsi, comme les gardiens, comme Marques. Cette lourdeur qui obscurcissait les humains, il la devinait déjà chez la plupart des colons. Et ceux qui ne la possédait pas et restaient transparents et légers, comme le Quinsou, comme Brilheta...
Ils mourraient.
Et lui ? C'était sa haine qui le faisait vivre, elle était comme une flamme rouge et bleue qui se nourrissait d'elle-même. Elle ne cessait de grandir. Sa haine lui faisait aimer les humains-oiseaux, les humains de brise et d'eau. Ils étaient partout, rares et dispersés, des cadeaux que la vie lui faisait de loin en loin. »


P. 260
« Lazare Volques avait été retrouvé assassiné à la même époque, au même endroit et de la même façon que son arrière-petit-neveu cent six ans plus tard. Contrairement à la plupart de ses collègues, Jean-Paul Zaczek croyait au hasard et aux coïncidences. Mais il n'était pas ennemi pour autant des liens de causalité. L'acharnement pour se débarrasser des squatteurs pouvait s'expliquait par ces obsessions fédératrices qui permettent à des petits groupes humains débordés, culturellement appauvris et en autodéfense de consolider une identité commune autour de haines communes. Mais ce sinistre penchant collectif pouvait avoir été suscité et entretenu à des fins crapuleuses. L'Histoire, la grande, était bondée de ce type de manipulations.
Zaczek, en bon scientifique, élaborait des hypothèses, dont il s'efforçait ensuite de démontrer ou d'infirmer la véracité. Il partit du principe que sous ces manifestations de rejet se dissimulaient vraiment des mobiles crapuleux. Pourquoi faire partir les squatteurs ? Cela pouvait avoir un rapport avec les squatteurs eux-mêmes, ou seulement un ou plusieurs d'entre eux.
Ou alors, il s'agissait du lieu. De la filature, ou de la magnanerie. Ou des deux. De quelque chose qui se trouvait dans l'un ou l'autre des bâtiments, et qui serait devenu inaccessible à cause de la présence des squatteurs. Alors on en revenait au maire et à son adjoint, car tous les témoignages concordaient : les plus acharnés contre les squatteurs étaient ces deux-là. »



lundi, juillet 28, 2014

Rencontre à Sète

Quel bon moment nous avons passé le vendredi 25 juillet dernier. 
Nous avons assisté à la rencontre avec Manuel Vilas, Ana Rossetti

et Piedad Bonnett, présentée par Patricio Sánchez dans le cadre du

festival Voix vives de la Méditerranée à Sète.


Voici une petite présentation :


Né en 1962, Manuel Vilas est un poète et romancier espagnol. Nous vous invitons à découvrir ses romans :

El luminoso regalo (Alfaguara, 2013)
Los inmortales (Alfaguara,2012)
Aire Nuestro (Alfaguara, 2009)
España (DVD,2008 ; Punto de Lectura, 2012)
Magia (DVD, 2004) 

et ses recueils de poésie :

Gran Vilas (XXXIII Prix Ciudad de Melilla, Visor, 2012)
Amor. poesía reunida, 1988-2010 (Visor, 2010)
Calor (VI Prix Fray Luis de León, Visor, 2008)
Resurrección (XV Prix Jaime Gil de Biedma, Visor, 2005)
El Cielo (DVD, 2000) 
 

Née en 1950, Ana Rossetti est une auteure espagnole prolifique. Nous vous invitons à découvrir notamment :

Los devaneos de Erato, 1980, Prix Gules
Yesterday, 1988
Apuntes de ciudades 1990
Punto umbrío, 1996
La nota del blues 1996
Ciudad irrenunciable 1998
La ordenación: retrospectiva (1980-2004), 2004
Llenar tu nombre, 2008.
El mapa de la espera, 2010
(poésie)

Plumas de España, 1988

Prendas íntimas 1989, relatos eróticos

Hasta mañana, Elena 1990

Alevosías, 1991,Prix La Sonrisa Vertical de Novela Erótica Mentiras de papel 1994

Una mano de santos, 1997

El antagonista, 1999

Recuento. Cuentos Completos, 2001

El aprendizaje personal, 2001

El botón de oro 2003

(romans)

Née en 1951, Piedad Bonnett est une poétesse et dramaturge colombienne. Elle a notamment reçu le Prix National de Poésie en Colombie en 1994. Nous vous invitons à lire :

De Círculo y Ceniza, 1989
Gato por liebre, 1991
Nadie en casa, 1994
El hilo de los días, 1995
Ese animal triste, 1996
Que muerde el aire afuera, 1997
Se arrienda pieza,
Sanseacabó,
No es más que la vida, 1988
Todos los amantes son guerreros, 1998
Después de todo, 2001
Imaginación y oficio, 2003
Para otros es el cielo, 2004
Siempre fue invierno, 2007
Los privilegios del olvido, 2008
Las herencias, 2008
Las tretas del débil, 2008

et à consulter son site :



Pour vous donner envie d'en découvrir davantage, voici l'un des poèmes (de Piedad Bonnett) lus lors de cette rencontre :

LAZOS DE SANGRE

Atrévete
salta al vacío mírale
los ojos al hermano a la hermana su hiel mansa
oye
al hijo entre su nube de rencores
al padre
y su silencio como piedra ardiente

y el reproche
del marido a la esposa

refinada mordedura del tedio y el eterno
balanceo del odio

ah la familia

siente
cómo su amor comete sus destrozos
cómo mastica a secas tus tripas
se envenena
con la sangre que dentro de ti silba
como un río que baja con su carga de piedras


Découvrez également l'oeuvre poétique du présentateur du jour, Patricio Sánchez, notamment ses deux derniers recueils publiés :

Le parapluie rouge, éd. Domens, 2011
Terre de feu ; Nuages, éd. Domens, 2013


N'oublions pas de remercier la traductrice et le lecteur qui ont accompagné cette rencontre sous le soleil de Sète.


dimanche, juillet 13, 2014

Tus ojos...


Martín Mucha est né en 1977 à Lima, Pérou. 
Ecrivain et journaliste, il vit aujourd'hui à Madrid. Il a obtenu le prix du roi d’Espagne de journalisme en 2007, pour ses reportages sur l'immigration.
Il a également obtenu le prix Boehringer et a été finaliste du Prix du Roman Fernando Quiñones 2010. Ses articles paraissent actuellement dans les suppléments hebdomadaires de Crónica et Magazine du quotidien espagnol El Mundo
 
Tus ojos en una ciudad gris est son premier roman. Il a été traduit et publié en France par Asphalte Éditions, sous le titre Tes yeux dans une ville grise.



Le narrateur, Jeremías Carpio, nous entraîne à travers la ville de Lima sur le trajet qu'il parcourt en bus. Il nous fait le récit de sa vie personnelle et familiale, esquisse un portrait des jeunes qui l'entourent (musique, jeux vidéo, échanges sur le Net, …) et surtout porte un regard acerbe sur les réalités sociales de la capitale péruvienne. Les personnages et les lieux sont présentés avec une très grande précision, dans des scènes brèves, des descriptions courtes.
Ce roman est une claque.
L'auteur semble vouloir choquer son lecteur et provoquer un certain malaise. Il cherche à nous prendre comme témoins et à ouvrir nos yeux sur ce que nous refusons parfois de regarder en face. Comme dans cette scène de description de l'agression d'une fillette, où tous se rendent compte de ce qui se passe mais où personne ne bouge :

« He pasado al menos cuatro horas de mi vida, a diario, entre un bus y una combi. Como toda mi generación. […]
Conozco cada cosa que pasa dentro. Las perversiones, las alegrías. Pero sobre todo las perversiones. Laura García Robles estudió en el mismo colegio que yo. Pero era de tres clases más adelante. Sabía su nombre porque en una clase, esto ha de ser una regla universal, todos sabían los nombres de las bonitas. […]
Cuando ella tenía trece y yo diez, un hombre se detuvo detrás de ella.
Podía haber avanzado unos pasos más. O detenerse antes, pero eligió ese lugar. Noté que ella se sintió incómoda y dio unos pequeñitos pasos a un lado. El hombre vestía de impecable traje, bigotes. Bordearía los cincuenta años.
La siguió. Se convirtió en una pequeña cacería. Ella huía entre los cuerpos y buscaba escondites en un autobús repleto. El asiento del conductor fue el límite de su huida. Laura se rindió.
Comenzó a frotar su pene en sus nalgas de niña. Se veía su forma torcida en el pantalón de algodón barato. Pero todos evitaban mirarlo. Era un hecho común, como un bautizo. Ella tenía los ojos en el vacío. El en ella, mirando hacia abajo.
Mi madre me había advertido de esos sujetos. Siete años. Esa era mi edad cuando me pasó. Sentí la caricia de un tipo en mis pequeños testículos. Los recorría sin pudor, casi dibujándolos. No lloré ni reí. Simplemente corrí. Corrí varias veces.
Aún no sé por qué ella siguió allí. Pero eso era lo que sucedía. Pasaron largos veinte minutos. El hombre de traje se bajó del bus, con cierta dosis de angustia. Y satisfacción. Con una mancha húmeda que iba recorriendo de arriba abajo su pantalón. »

Celle-ci est une des missions de l'écrivain, que de nous aider à voir le monde qui nous entoure. Mon conseil : lisez ce livre dans les transports en commun plutôt que le soir sous la couette avant de dormir.

Rachel Mihault

Martín Mucha, Tus ojos en una ciudad gris, Alianza Literaria, 2011

mardi, juin 24, 2014

"La Isla Celeste" de Sara Rosenberg

De l'écrivaine argentine Sara Rosenberg, les adultes francophones ont pu découvrir il y a un an "Un fil rouge" (Ed. La Contre Allée), magistral récit sur les blessures de la dictature dont l'écrivaine fut elle-même victime. Les adultes hispanophones ont peut-­être eu l'occasion de lire "Un hilo rojo", Cuaderno de invierno (Ed. Espas Calpe) ou Contraluz (Ed. Siruela).



Les plus jeunes hispanophones, en esprit ou en âge, peuvent quant à eux découvrir "La Isla Celeste", une histoire poétique et militante illustrée de dessins de l'auteure elle-­même.




"La Isla Celeste" s'appelle ainsi car elle est toute bleue. Entièrement bleue. Comme le ciel, avec toutes les nuances de bleu. Bleus sont les arbres qui y poussent et les animaux qui y vivent. Au delà de sa couleur, l'île n'est pas ordinaire, car elle éprouve des émotions et peut être triste ou joyeuse. Toute petite et délaissée par les navires qui passent au large elle est un refuge pour les animaux qui y vivent et avec lesquels elle parle.

Céleste ne connaît pas les couleurs. Elle les voit de loin en loin, sur les navires qui n'abordent jamais ses côtes. Mais elle voudrait tant connaître les couleurs qu'elle en devient triste. Son désir envahissant pour ce qu'elle n'a pas la rend si triste que sa tristesse devient contagieuse.

Les animaux vont alors décider de chercher pour elle les couleurs et lui en font a surprise. Petit à petit Céleste prend des couleurs, fleurs et plumages se parent de toute la gamme de l'arc­-en-­ciel Iris. Heureusement, un petit coin de l'île a été conservé tout bleu et cela sauvera la baleine Ismael.

Mais tant de couleur finit par attirer l'attention... et une jour débarque un humain plein de projetspour l'île de toutes les couleurs... pleins de projets menaçants... les habitants de l'île auront plusd'un tour à jouer aux promoteur séduit par les couleurs, mais cela suffira-­t­-il à conjurer le danger ?

Une fable qui parle de désir et d'ambition, d'écologie et de solidarité, dont la clarté de la langue est fort bien adaptée à de jeunes lecteurs ou auditeurs (à partir de 8 ans pour l'éditeur) mais qui peut aussi enrichir bien des plus grands. Des bien plus grands même.



Vous aurez sans doute du mal à trouver "La Isla Celeste" dans les librairies hexagonales, mais il suffit d'un voyage en terres hispaniques, réel ou virtuel, pour prendre la mer dans ces eaux où vous croiserez peut-­être aussi Maurice Sendak et Max et ses maxi­monstres...


Marc Ossorguine (et son blog foisonnant !)

"El sí de las niñas" de Leandro Fernández de Moratín

Leandro Fernández de Moratín (Madrid 1760 - París 1828) fue un dramaturgo y poeta español, uno de los más relevantes autores de teatro del siglo XVIII español.

"El sí de las niñas", es una de sus obras teatrales, estrenada en 1806 en MadridSe trata de una comedia en prosa dividida en tres actos que llegó a ser prohibida por la Inquisición... Dos siglos después, esta lucha sigue vigente para muchas muchachas por el mundo...

Traduit en français sous le titre "Le oui des jeunes filles"...




Es una obra que destaca en la literatura del siglo diez y nueve (1806) :  Moratín con valor defiende a las chicas  victimas de matrimonios que ellas no aprueban. Y con ardor en una obra construida con grande arte llega a su meta : convencer al lector que las chicas tienen derecho de dar su opinión ante el matrimonio. En esta obra tan llena de vida y virtuosísima nos ofrece un regalo eterno de respecto, de humanidad y de tolerancia.
François Szabó

vendredi, juin 06, 2014

L'écrivain colombien Santiago Gamboa invité de la Comédie du Livre 2014 !

Hop hop ! C'était il y a déjà deux semaines !?! La Comédie du Livre 2014 s'ébrouait et démarrait de bon matin ! Honneur aux élèves et aux étudiants dans le beau bâtiment Saint Charles de l'université Paul Valéry de Montpellier !



En collaboration avec L'AFCM, le département Langues, Littératures, Arts et Cultures des Suds de l'Université Paul Valéry a reçu l'écrivain colombien Santiago Gamboa qui est venu nous parler de son livre « Plegarias nocturnas » récemment publié en français sous le titre « Prières nocturnes » (voir impression de lecture ici) !



Après une belle rencontre animée par Alba Lara et Carlos Tous qui a duré près de deux heures (compte-rendu à venir), nous avons eu le privilège de déjeuner en compagnie de Santiago Gamboa : des anecdotes sur le petit monde littéraire aux échanges sur la situation de quelques pays d'Amérique Latine, en passant par un bon repas => voilà un début de Comédie bien réussi !




Merci à Santiago et merci à tous de ce moment si convivial !

lundi, mai 19, 2014

La Comédie du Livre 2014, c'est parti !

29ème comédie du livre


Dans deux jours débutera dans toute la ville de Montpellier la 29ème édition de la Comédie du Livre, qui cette année met à l'honneur les littératures nordiques, les éditions Métailié qui fêtent leurs 35 ans d'existence et Xavier Dorison, scénariste de bd, à qui revient la carte blanche...

C'est dans ce cadre que notre comité de lecture s'est attaché à lire en priorité des œuvres des auteurs hispanophones qui seront présents, à savoir Rosa Montero, Luis Sepulveda et le colombien Santiago Gamboa - tous les trois édités par Métailié -, pour vous proposer nos notes de lecture et vous donner envie de venir les rencontrer...


A noter que Santiago Gamboa sera l'invité de l'Université Paul-Valéry et de l'AFCM pour un long entretien le vendredi 23 mai à 10h à St Charles ! Venez nous y rejoindre ! 

Nous serons également présent lors de la rencontre entre Rosa Montero, Johanna Sinisalo et Thomas Day qui se tiendra le vendredi 23 mais à 14h30 au Centre Rabelais avec pour thème "Roman d'anticipation et critique sociale"...


C'est dans le même esprit que l'association des Amis du Grain des Mots a décidé d'axer ces derniers mois une partie de ses lectures sur les auteurs qui seront présents et ils nous offrent ainsi en ligne un magnifique panel constitué de pas moins de 32 fiches de lecture ! Allez donc farfouiller chez eux : vous y ferez de belles rencontres aussi !

Marc Ossorguine, à la fois président des Amis du Grain des Mots et membre de notre comité de lecture, a lui aussi bien fourni son blog à l'occasion de cette Comédie 2014 ! Allez donc le lire lui aussi......



........ Et que la Comédie commence et qu'elle soit bonne pour vous !


samedi, mai 10, 2014

Libros de Poemas (1974-2001) de Darío Jaramillo Agudelo

Impressions de lecture de François Szabo




Esta poesía reunida por el Fondo de Cultura Económica de Colombia, propone de volver atrás el tiempo, empezando con el mas reciente “Cantar por cantar” (2001) hasta el más lejano “Historias” (1974) que acaba el volumen.

Homenajes a la música (blues, jazz), Homenajes a la literatura (Biografías imaginarias), la poesía de Darío Jaramillo Agudelo se inscribe claramente en el universo del siglo veinte.

Su poesía de amor, destacada por su vocabulario directo y no elaborado (sin imágenes falsas) se desarrolla por su construcción que permite una sorpresa para el lector con la tesis del poema y la antitesis del último verso. Aquí se ve su arte de oponer el deseo a la realidad vivida como de su manera hábil de destabilizar el lector.

Suma poética, esta edición permite descubrir la vacilación del autor entre una cierta melodía alcanzada en sus poemas y la pura meta del poeta de cantar por cantar como lo resuma muy bien el más reciente libro.

Libros de Poemas, 1974-2001, Darío Jaramillo Agudelo , 2003

Semana Cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril 2014 #4

(Pour le récit du début de cette soirée, voir là : Semana Cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril 2014 #1 et là : Semana Cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril #2  et encore là : Semana cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril #3 )

La Surprise !



Avant de redonner place à la poésie elle-même en donnant la parole à nos invités, nous avons eu le très grand plaisir de réussir à entrer en contact avec le poète Darío Jaramillo Agudelo en direct de Bogotá grâce à une connexion en vidéo-conférence ! Si la qualité technique de l'image laissait un peu à désirer (c'était une première pour nous comme pour lui !), celle de l'échange qui a eu lieu a été, elle, vraiment très chaleureuse !


Passés les quelques instants de timidité réciproque, nous avons pu converser, mi en espagnol mi en français, Paula Cadenas et Dolores Panetier s'improvisant courageusement interprètes pour nous !


La première surprise pour Darío Jaramillo, c'est qu'en France on puisse réunir un vendredi soir à 21h tant de monde pour venir découvrir un poète colombien et parler du partage de la poésie ! A cette heure là en Colombie, les gens dînent en famille ou bien regardent la tv, nous a-t-il dit !


Nous lui avons ensuite fait part des réflexions que nous venions d'avoir autour de la diffusion et du partage de la poésie (cf article précédent), et il nous a confirmé qu'en Colombie la poésie se vit dès l'enfance et que cela lui confère une sorte d'évidence qui manque peut-être chez nous en France. Pour exemple, il a entonné un poème de Rafael Pombo, qui a été repris en cœur dans la salle à Montpellier par les Colombiens présents !



El renacuajo paseador

El hijo de rana, Rinrín renacuajo 

Salió esta mañana muy tieso y muy majo 
Con pantalón corto, corbata a la moda 
Sombrero encintado y chupa de boda.


-¡Muchacho, no salgas!- le grita mamá 
pero él hace un gesto y orondo se va. 


Halló en el camino, a un ratón vecino 
Y le dijo: -¡amigo!- venga usted conmigo, 
Visitemos juntos a doña ratona 
Y habrá francachela y habrá comilona.


A poco llegaron, y avanza ratón, 
Estírase el cuello, coge el aldabón, 
Da dos o tres golpes, preguntan: ¿quién es? 
-Yo doña ratona, beso a usted los pies


¿Está usted en casa? -Sí señor sí estoy, 
y celebro mucho ver a ustedes hoy; 
estaba en mi oficio, hilando algodón, 
pero eso no importa; bienvenidos son.


Se hicieron la venia, se dieron la mano, 
Y dice Ratico, que es más veterano : 
Mi amigo el de verde rabia de calor, 
Démele cerveza, hágame el favor.


Y en tanto que el pillo consume la jarra 
Mandó la señora traer la guitarra 
Y a renacuajo le pide que cante 
Versitos alegres, tonada elegante.


-¡Ay! de mil amores lo hiciera, señora, 
pero es imposible darle gusto ahora, 
que tengo el gaznate más seco que estopa 
y me aprieta mucho esta nueva ropa.


-Lo siento infinito, responde tía rata, 
aflójese un poco chaleco y corbata, 
y yo mientras tanto les voy a cantar 
una cancioncita muy particular.


Mas estando en esta brillante función 
De baile y cerveza, guitarra y canción, 
La gata y sus gatos salvan el umbral, 
Y vuélvese aquello el juicio final


Doña gata vieja trinchó por la oreja 
Al niño Ratico maullándole: ¡Hola! 
Y los niños gatos a la vieja rata 
Uno por la pata y otro por la cola


Don Renacuajito mirando este asalto 
Tomó su sombrero, dio un tremendo salto 
Y abriendo la puerta con mano y narices, 
Se fue dando a todos noches muy felices


Y siguió saltando tan alto y aprisa, 
Que perdió el sombrero, rasgó la camisa, 
se coló en la boca de un pato tragón 
y éste se lo embucha de un solo estirón


Y así concluyeron, uno, dos y tres 
Ratón y Ratona, y el Rana después; 
Los gatos comieron y el pato cenó, 
¡y mamá Ranita solita quedó!

Il a aussi rappelé la dimension de lutte de la poésie sud-américaine, une lutte visant avant tout à célébrer la vie en dépit de sa dureté.

Nos invités lui ont demandé si, au delà du magnifique Festival de Medellín, la diffusion de la poésie passe aussi comme chez nous par la diffusion radiophonique et il nous a dit qu'à sa connaissance, non, très très peu d'initiatives vont dans ce sens. Il a invité ses collègues français à se rapprocher des responsables du Festival pour leur proposer des discussions et des rencontres sur ce thème.


François Szabó lui a posé quelques questions concernant la naissance de sa vocation de poète, et Darío a confirmé que ses parents, son père en particulier, avaient veillé à lui faire vivre un bain de littérature dès sa plus tendre enfance, ce qui a fait que l'écriture a toujours été une sorte d'évidence qui s'est imposée à lui...


S'en est suivi un moment de poésie où Jaramillo nous a dit quelques uns de ses poèmes... en voici deux parmi les quatre ou cinq qu'il a partagés avec nous !


Sabiduría del gato:

hacer pereza todo el día sin llegar nunca al tedio.
Materialización del gato:
cuando el gato se convierte en materia, saca las uñas.
Astucia del gato:
fingir que es un animal doméstico.
Silencio del gato:
los gatos guardan todos los secretos de la noche.
Misterios del gato:
todo en el gato es misterioso.

Tiré du recueil "Gatos" (2008)



Sagesse du chat :
paresser toute la journée sans jamais atteindre l'ennui.
Matérialisation du chat :
lorsque le chat devient matière, il sort les griffe.
Ruse du chat :
feindre d'être un animal domestique.
Silence du chat :
les chats gardent pour eux tous les secrets de la nuit.
Mystères du chat :
tout dans le chat est mystérieux.

(Trad. L. Holvoet)

Tu voz por el teléfono tan cerca y nosotros tan distantes,
tu voz, amor, al otro lado de la línea y yo aquí solo, sin ti, al otro lado de la luna,
tu voz por el teléfono tan cerca, apaciguándome, y tan lejos tú de mí, tan lejos,
tu voz que repasa las tareas conjuntas,
o que menciona un número mágico,
que por encima de la alharaca del mundo me habla para decir en lenguaje cifrado que me amas.
Tu voz aquí, a lo lejos, que le da sentido a todo,
tu voz que es la música de mi alma,
tu voz, sonido del agua, conjuro, encantamiento.

Tiré de "Poemas de amor" (1986)

Ta voix au téléphone si proche et nous si loin l'un de l'autre,
ta voix, mon amour, de l'autre côté de la ligne et moi ici seul, sans toi, de l'autre côté de la lune,
ta voix au téléphone si proche, qui m'apaise, et toi si loin de moi, si loin,
ta voix qui revient sur nos devoirs communs,
ou qui mentionne un numéro magique,
qui au delà de l'explosion du monde me parle pour dire en langage codé que tu m'aimes.
Ta voix ici, au loin, qui donne du sens à tout,
ta voix qui est la musique de mon âme,


ta voix, bruit de l'eau, exhortation, enchantement.

(Trad. L. Holvoet)


En échange, nos invités languedociens ont eux aussi partagé des textes avec lui, avec nous !

François Szabó nous a dit un poème de son recueil "Páginas de invierno" (2001)


Un beso dado por tus labios
Vuelve loco los más sabios

Un beso robado a tus labios
Y ya no podré mas decir adiós

Que vuelvas pa’ que no desaparezca
Que vengas pa’ que por fin me conozcas

Ay lastima de momentos hundidos
Ay lastima de esos pasos perdidos

Nuestros caminos han de cruzar


Debo seguir tu olor de azahar

Michel Arbatz a, lui, convoqué Jacques Prévert et Son Orgue de Barbarie (recueil "Paroles")

Moi je joue du piano
disait l'un
moi je joue du violon
disait l'autre
moi de la harpe 
moi du banjo
moi du violoncelle
moi du biniou...
moi de la flûte
et moi de la crécelle
Et les uns les autres parlaient parlaient
parlaient de ce qu'ils jouaient.
On n'entendait pas la musique
tout le monde parlait
parlait parlait
personne ne jouait
mais dans un coin un homme se taisait.
"Et de quel instrument jouez-vous monsieur
qui vous taisez et qui ne dites rien?"
lui demandèrent les musiciens.
"Moi je joue de l'orgue de Barbarie
et je joue du couteau aussi"
dit l'homme qui jusqu'ici
n'avait absolument rien dit
et puis il s'avança le couteau à la main
et il tua tous les musiciens
et il joua de l'orgue de Barbarie
et sa musique était si vraie
si vivante et si jolie
que la petite fille du maître de la maison
sortit de dessous le piano
où elle était couchée endormie par ennui
et elle dit:
"Moi je jouais au cerceau
à la balle au chasseur
je jouais à la marelle
je jouais avec un seau
je jouais avec une pelle
je jouais au papa et à la maman
je jouais à chat perché
je jouais avec mes poupées
je jouais avec une ombrelle
je jouais avec mon petit frère
avec ma petite sœur
je jouais au gendarme
et au voleur
mais c'est fini fini fini
je veux jouer à l'assassin
je veux jouer de l'orgue de Barbarie.
"Et l'homme prit la petite fille par la main
et ils s'en allèrent dans les villes
dans les maisons dans les jardins
et puis ils tuèrent le plus de monde possible
après quoi ils se marièrent
et ils eurent beaucoup d'enfants.
Mais
l'aîné apprit le piano
le second le violon
le troisième la harpe
le quatrième la crécelle
le cinquième le violoncelle
et puis ils se mirent à parler parler
parler parler parler
on n'entendit plus la musique
et tout fut à recommencer !



Enfin, pour clore cette soirée qui a vraiment filé, Christian Malaplate nous a offert l'un de ses beaux textes...

DANS LE GRAND SILENCE DE LA NUIT

Dans le grand silence de la nuit, je marche vers des pôles imaginaires.
J’entre dans un chant venu d’ailleurs avec le Verbe qui apaise les ondes.
Je cultive mon jardin intérieur dans le fondement des couleurs ciselées.
Je capte les faisceaux des symboles en pénétrant dans les cercles de la béatitude
Parmi les eaux de la nuit des temps et la mémoire ancestrale des hommes et des dieux.

Dans le grand silence de la nuit, je rencontre des folies brûlantes,
Des peines aux blessures insondables et les interrogations du regret.
Je cherche à faire danser les mots dans le cri de la vie et dans les miroirs sphériques.
Une alchimie secrète naît entre le sens caché des choses et l’usure des jours perdus.
Elle efface lentement les cicatrices intimes et les départs inattendus.

Dans le grand silence de la nuit, j’écoute les longs échos des voix qui se sont tues.
Je façonne les nervures des éclats émotionnels et des murmures du cœur.
Je navigue entre le pays natal et cette contrée sauvage où tout est possible,
A la recherche d’un monde nouveau, à la quête d’une terre promise.
Mes mains dessinent des figures fugitives et des fabuleux bestiaires enluminés.

Dans le grand silence de la nuit, les grands vents semeurs de palabre,
Voyagent parmi les brisures d’étoiles et les lunes tentaculaires.
Des morceaux de musique s’accrochent à des visages aimés, à des souvenirs inachevés.
Des ombres évanescentes dansent dans le reflet d’une lune rousse.
Elles se transforment en étranges clapotis puis elles partent dans une sarabande échevelée.

Dans le grand silence de la nuit, je voyage dans des brumes parfumées,
Dans des galeries translucides, dans des espaces mobiles et dans des sanctuaires animaliers.
Les cercles s’agrandissent. J’entre dans la nuit profonde, hors des limites humaines.
Je deviens un buveur d’horizon qui traîne sur les chemins de l’errance et de l’exil.
Il y a la terre des origines, le soleil des solitudes et tous les ferments de discordes.

Dans le grand silence de la nuit, je nage dans les eaux du secret, dans les eaux de l’alchimie intérieure,
Dans les eaux métamorphosées de l’inconscient et dans les eaux primordiales du monde.
Je chemine dans l’univers des ondes vers les langues de feu et les illuminations de l’esprit.
Je traverse des territoires étranges, des cités interdites, des forêts symboliques,
Des enclos d’innocence, des domaines d’amour et des lieux de contemplation absolue.

Dans le grand silence de la nuit, je pose mes mains sur des crânes. J’entre dans un humble apostolat.
J’égrène des phrases apocryphes, des mots cartographiques et des attentes salvatrices.
Je parlemente avec des bruits avant-coureurs. Je dénude mes saveurs éduquées.
Je bois tous les sucs et toutes les sèves de mon jardin secret
Avant d’entrer dans des cathédrales de lumière et de suivre les chemins de jouvence.

Dans le grand silence de la nuit, je découvre le passage du dense au subtil,
De la matière à l’esprit, le courant de la vie, de la mort et celui de la conscience.
Je devine l’arbre de vie qui a pour sève la rosée céleste et l’harmonie parfaite.
Je porte dans mes bras la gerbe de blé qui symbolise la fécondité de la terre.
Je décortique mon âme, je sais que la lumière de l’aube approche.


Voilà, ce sont les mots sur lesquels nous nous sommes quittés un peu à regret ! Mais, pas d'inquiétude :  nous saurons nous retrouver à d'autres occasions !

L'AFCM remercie tous nos invités et le public pour leur présence chaleureuse et passionnante...


Pour voir la vidéo de cette soirée, rendez-vous sur le site de notre asso :
http://amitiesfrancocolombiennesmontpellier.fr/