vendredi, juillet 07, 2017

"In Utero" de Julien Blanc-Gras (France)

Dans « La Femme Brouillon » publié en septembre 2016 à la Contre Allée Amandine Dhée parlait avec beaucoup de force et de justesse associées à une belle pointe d’humour de la grossesse, de la difficulté d’être à la fois femme et mère, de « la violence d’être habitée par un autre », de la peur d’être dépossédée de son identité, de celle aussi de ne pas être une bonne mère et de son refus de n’être que cela. C’est un livre qui nous avait beaucoup plus ici et dont Laurence avait parlé avec enthousiasme.
Si je rappelle cela c’est que je viens de lire « In Utero » de Julien Blanc-Gras publié en 2015 au Diable Vauvert et réédité en Livre de Poche. Si le titre n’est pas génial, ...

... le livre est assez savoureux et est comme une version masculine de « La Femme Brouillon » comme si ces deux livres se faisaient écho. Julien Blanc-Gras est un écrivain-voyageur insatiable qui fait une pause pendant la grossesse de sa compagne. Il explore cette période de latence qui transforme un homme en père et le fait avec beaucoup d’humour, avec distance et dans un style fluide. Il dit ainsi : « On reproche souvent aux écrivains français de se focaliser sur leur propre nombril. Je vais me concentrer sur celui de La Femme » En même temps il réfléchit sur la façon dont est vécue la grossesse à travers l’histoire et la culture. Il parle aussi des problèmes liés à la procréation dans notre belle société française :
« Cette année, la famille revient au centre des enjeux de société. Des hordes manifestent pendant des mois en répétant : « Un papa, une maman ». La France est déchirée entre ceux qui veulent accorder l’égalité aux homosexuels et les autoriser à adopter, et ceux qui, peu ou prou, considèrent les pédés et les gouines comme des sous-citoyens. C’est une bataille de l’enfant qui se joue dans les rues. Des marmots sont enrôlés par leur famille pour scander des slogans homophobes. Statistiquement, une partie d’entre eux se découvrira homosexuelle à l’adolescence. Ils se rendront alors compte qu’ils sont ce qu’on leur a appris à détester. Drôle de conception de la protection de l’enfance. Bonne chance, mes petits gars. » (p74)
Ce journal d’une grossesse écrit par un homme est quelque chose de peu courant. C’est le témoignage réjouissant d’un « nouveau père » ou du moins de quelqu’un qui se souhaite comme tel :
« Si je fais un enfant, je le fais comme il faut. Partager les tâches et les dépenses me semble naturel. Ce n’est pas une position idéologique, juste une question de politesse. Les vieux machos ricanent quand les papas jouent à la maman. Ces jeunes, vraiment des gonzesses. Je ne vois pas en quoi torcher les gosses ferait de moi une maman. Ça fera de moi un parent. »
Une seule chose m’a gênée dans ce petit livre bien mené. Julien Blanc-Gras ne nomme jamais sa compagne. Elle est « La Femme ». Volonté de glorification et d’universalité sans doute. Mais personnellement j’y ai perçu un petit relent de machisme. Ce n’est qu’un petit détail dont je suis sûre qu’il n’aurait pas plu à Amandine Dhée !


Françoise Jarrousse


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