vendredi, décembre 19, 2014

"Nécropolis 1209" de Santiago Gamboa

Lors de la venue de Santiago Gamboa en mai dernier à l'occasion de la Comédie du Livre (Montpellier), Nécropolis 1209 m'est arrivé entre les mains et je m'en suis régalée !



Voici ce qu'en dit l'éditeur, Métailié :
« Au sortir d’une longue maladie, un écrivain est invité à un congrès de biographes à Jérusalem, métaphore d’une ville assiégée par la guerre et sur le point de succomber.
Comme dans un moderne Decameron, les vies extraordinaires des participants laissent perplexe le héros de ce tour de force littéraire et stylistique. Parmi les participants de ce congrès, on croise le libraire bibliophile Edgar Miret Supervielle, l’actrice italienne de cinéma porno Sabina Vedovelli, l’entrepreneur colombien Moises Kaplan et surtout José Maturana, ex-pasteur évangélique, ex-forçat, ex-drogué, qui dans la langue puissante des rues les plus sordides raconte l’itinéraire de son sauveur, le charismatique Messie latino de Miami.
Mais quelque temps après sa communication, José Maturana est retrouvé mort dans sa chambre. Tout semble indiquer un suicide, mais des doutes surgissent : qui était-il vraiment ?
Ce roman débordant d’énergie explore les différentes versions d’une même histoire, qui varie sans cesse et nous incite à écouter, souvent avec stupéfaction, les récits surprenants des autres protagonistes de cette histoire qui veulent témoigner avant la fin du monde.
Ce roman a reçu à l’unanimité du jury le Premier Prix La Otra Orilla, décerné à Bogotá en 2009. »

Donc, sur fond de guerre qui gronde, des biographes sont réunis dans l'Hôtel du Roi David qui constitue une sorte de bulle qui n'est pas sans rappeler celle dans laquelle se déroule une autre fiction de Gamboa, « Le Siège de Bogotá ». Chacun va raconter à la tribune une histoire, la sienne ou pas, et nous fait beaucoup voyager, autre marque de fabrique de cet auteur. Violence, sexe, argent, alcool, drogue et règlements de compte sont présents à assez haute dose, visages bruts de fonderie d'une réalité le plus souvent pudiquement cachée...
Entre toutes, l'histoire racontée par José Maturana est le fil conducteur du roman, elle nous balade en particulier dans un Miami à l'opposé des clichés publicitaires de cette ville balnéaire mais surtout tentaculaire. La crudité du langage est à l'image de la crudité de la vie des protagonistes de cette histoire dans l'histoire, tous rebuts de cette société qui se retrouvent de façon très improbable dans le cercle intime d'un fondateur d'église, marotte très nord américaine s'il en est ! Mais après son récit, José Maturana est retrouvé mort dans la chambre 1209, faisant surgir ainsi le passé dans le présent... et apportant un nouvel rebond à ce récit déjà très foisonnant !

Pour vous donner une petite idée du style, voici un petit extrait tiré de la page 111, c'est José Maturana qui parle :

« En peu de temps, je me suis aménagé un espace agréable, avec des étagères en bois pour les livres, un salon confortable, une table et quelques ustensiles de cuisine, à vrai dire très peu, car la seule chose que Walter a exigée c'était que que je continue à partager les repas du groupe. Dans cette cabane au fond du jardin, je me suis consacré à l'observation de la vie de Walter et des autres : mademoiselle Jessica, Jefferson, les samouraïs et autres éléments dissonants dans la vie du Ministère, mais qui à cette époque étaient déjà un mal nécessaire. J'ai aussi dévoré des livres, de la poésie, des romans, des vies exemplaires, l'histoire du monde, n'importe quoi, tout m'intéressait, je voulais retrouver le temps perdu, comme qui vous savez. Je me plongeais dans la lecture après mes visites dans les maisons de redressement, les bouges sordides et autres bordels de la ville où je formais des christophiles à la force du poignet comme me l'avait appris Walter, et la première chose que j'ai découverte c'est que la vie réelle était pauvre comparée à celle des livres ; dans les livres il y avait harmonie et complexité, et les trucs les plus atroces brillaient d'une certaine beauté, ça je m'en suis rendu compte en lisant Dostoïevski, Dickens, Böll, y a pas à tortiller, et puis je vais vous faire une confession, chers potes auditeurs, figurez-vous qu'à force de lire, j'ai appris un peu d'histoire et enfin découvert, à presque quarante ans, qu'en Europe il y avait eu une mégabaston qu'on appelle Seconde Guerre mondiale, ne rigolez pas, imaginez plutôt la sous merde que j'étais, car avant, quand quelqu'un parlait de Hitler, je croyais que c'était un chef mafieux ou un tueur en série. Lorsque j'ai lu qu'il avait été chancelier ou président de l'Allemagne, je ne sais pas comment on dit là-bas, j'en suis resté comme deux ronds de flan et je me suis dit, je ne comprends pas : c'est le même pays que celui de Thomas Mann et de Musil ? Ça déconne. Et je me suis décidé à demander à Walter de recruter un professeur d'histoire contemporaine pour les jeunes. »

Necropolis 1209 de Santiago Gamboa. traduit de l'espagnol (Colombie) par François Gaudry. Métailié, 450 p., 23 €.

Pour en savoir plus et lire le premier chapitre, allez donc voir par là : http://editions-metailie.com/livre/necropolis-1209/ !

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