samedi, mai 10, 2014

Semana Cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril 2014 #4

(Pour le récit du début de cette soirée, voir là : Semana Cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril 2014 #1 et là : Semana Cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril #2  et encore là : Semana cultural de l'AFCM : Soirée poésie du 4 avril #3 )

La Surprise !



Avant de redonner place à la poésie elle-même en donnant la parole à nos invités, nous avons eu le très grand plaisir de réussir à entrer en contact avec le poète Darío Jaramillo Agudelo en direct de Bogotá grâce à une connexion en vidéo-conférence ! Si la qualité technique de l'image laissait un peu à désirer (c'était une première pour nous comme pour lui !), celle de l'échange qui a eu lieu a été, elle, vraiment très chaleureuse !


Passés les quelques instants de timidité réciproque, nous avons pu converser, mi en espagnol mi en français, Paula Cadenas et Dolores Panetier s'improvisant courageusement interprètes pour nous !


La première surprise pour Darío Jaramillo, c'est qu'en France on puisse réunir un vendredi soir à 21h tant de monde pour venir découvrir un poète colombien et parler du partage de la poésie ! A cette heure là en Colombie, les gens dînent en famille ou bien regardent la tv, nous a-t-il dit !


Nous lui avons ensuite fait part des réflexions que nous venions d'avoir autour de la diffusion et du partage de la poésie (cf article précédent), et il nous a confirmé qu'en Colombie la poésie se vit dès l'enfance et que cela lui confère une sorte d'évidence qui manque peut-être chez nous en France. Pour exemple, il a entonné un poème de Rafael Pombo, qui a été repris en cœur dans la salle à Montpellier par les Colombiens présents !



El renacuajo paseador

El hijo de rana, Rinrín renacuajo 

Salió esta mañana muy tieso y muy majo 
Con pantalón corto, corbata a la moda 
Sombrero encintado y chupa de boda.


-¡Muchacho, no salgas!- le grita mamá 
pero él hace un gesto y orondo se va. 


Halló en el camino, a un ratón vecino 
Y le dijo: -¡amigo!- venga usted conmigo, 
Visitemos juntos a doña ratona 
Y habrá francachela y habrá comilona.


A poco llegaron, y avanza ratón, 
Estírase el cuello, coge el aldabón, 
Da dos o tres golpes, preguntan: ¿quién es? 
-Yo doña ratona, beso a usted los pies


¿Está usted en casa? -Sí señor sí estoy, 
y celebro mucho ver a ustedes hoy; 
estaba en mi oficio, hilando algodón, 
pero eso no importa; bienvenidos son.


Se hicieron la venia, se dieron la mano, 
Y dice Ratico, que es más veterano : 
Mi amigo el de verde rabia de calor, 
Démele cerveza, hágame el favor.


Y en tanto que el pillo consume la jarra 
Mandó la señora traer la guitarra 
Y a renacuajo le pide que cante 
Versitos alegres, tonada elegante.


-¡Ay! de mil amores lo hiciera, señora, 
pero es imposible darle gusto ahora, 
que tengo el gaznate más seco que estopa 
y me aprieta mucho esta nueva ropa.


-Lo siento infinito, responde tía rata, 
aflójese un poco chaleco y corbata, 
y yo mientras tanto les voy a cantar 
una cancioncita muy particular.


Mas estando en esta brillante función 
De baile y cerveza, guitarra y canción, 
La gata y sus gatos salvan el umbral, 
Y vuélvese aquello el juicio final


Doña gata vieja trinchó por la oreja 
Al niño Ratico maullándole: ¡Hola! 
Y los niños gatos a la vieja rata 
Uno por la pata y otro por la cola


Don Renacuajito mirando este asalto 
Tomó su sombrero, dio un tremendo salto 
Y abriendo la puerta con mano y narices, 
Se fue dando a todos noches muy felices


Y siguió saltando tan alto y aprisa, 
Que perdió el sombrero, rasgó la camisa, 
se coló en la boca de un pato tragón 
y éste se lo embucha de un solo estirón


Y así concluyeron, uno, dos y tres 
Ratón y Ratona, y el Rana después; 
Los gatos comieron y el pato cenó, 
¡y mamá Ranita solita quedó!

Il a aussi rappelé la dimension de lutte de la poésie sud-américaine, une lutte visant avant tout à célébrer la vie en dépit de sa dureté.

Nos invités lui ont demandé si, au delà du magnifique Festival de Medellín, la diffusion de la poésie passe aussi comme chez nous par la diffusion radiophonique et il nous a dit qu'à sa connaissance, non, très très peu d'initiatives vont dans ce sens. Il a invité ses collègues français à se rapprocher des responsables du Festival pour leur proposer des discussions et des rencontres sur ce thème.


François Szabó lui a posé quelques questions concernant la naissance de sa vocation de poète, et Darío a confirmé que ses parents, son père en particulier, avaient veillé à lui faire vivre un bain de littérature dès sa plus tendre enfance, ce qui a fait que l'écriture a toujours été une sorte d'évidence qui s'est imposée à lui...


S'en est suivi un moment de poésie où Jaramillo nous a dit quelques uns de ses poèmes... en voici deux parmi les quatre ou cinq qu'il a partagés avec nous !


Sabiduría del gato:

hacer pereza todo el día sin llegar nunca al tedio.
Materialización del gato:
cuando el gato se convierte en materia, saca las uñas.
Astucia del gato:
fingir que es un animal doméstico.
Silencio del gato:
los gatos guardan todos los secretos de la noche.
Misterios del gato:
todo en el gato es misterioso.

Tiré du recueil "Gatos" (2008)



Sagesse du chat :
paresser toute la journée sans jamais atteindre l'ennui.
Matérialisation du chat :
lorsque le chat devient matière, il sort les griffe.
Ruse du chat :
feindre d'être un animal domestique.
Silence du chat :
les chats gardent pour eux tous les secrets de la nuit.
Mystères du chat :
tout dans le chat est mystérieux.

(Trad. L. Holvoet)

Tu voz por el teléfono tan cerca y nosotros tan distantes,
tu voz, amor, al otro lado de la línea y yo aquí solo, sin ti, al otro lado de la luna,
tu voz por el teléfono tan cerca, apaciguándome, y tan lejos tú de mí, tan lejos,
tu voz que repasa las tareas conjuntas,
o que menciona un número mágico,
que por encima de la alharaca del mundo me habla para decir en lenguaje cifrado que me amas.
Tu voz aquí, a lo lejos, que le da sentido a todo,
tu voz que es la música de mi alma,
tu voz, sonido del agua, conjuro, encantamiento.

Tiré de "Poemas de amor" (1986)

Ta voix au téléphone si proche et nous si loin l'un de l'autre,
ta voix, mon amour, de l'autre côté de la ligne et moi ici seul, sans toi, de l'autre côté de la lune,
ta voix au téléphone si proche, qui m'apaise, et toi si loin de moi, si loin,
ta voix qui revient sur nos devoirs communs,
ou qui mentionne un numéro magique,
qui au delà de l'explosion du monde me parle pour dire en langage codé que tu m'aimes.
Ta voix ici, au loin, qui donne du sens à tout,
ta voix qui est la musique de mon âme,


ta voix, bruit de l'eau, exhortation, enchantement.

(Trad. L. Holvoet)


En échange, nos invités languedociens ont eux aussi partagé des textes avec lui, avec nous !

François Szabó nous a dit un poème de son recueil "Páginas de invierno" (2001)


Un beso dado por tus labios
Vuelve loco los más sabios

Un beso robado a tus labios
Y ya no podré mas decir adiós

Que vuelvas pa’ que no desaparezca
Que vengas pa’ que por fin me conozcas

Ay lastima de momentos hundidos
Ay lastima de esos pasos perdidos

Nuestros caminos han de cruzar


Debo seguir tu olor de azahar

Michel Arbatz a, lui, convoqué Jacques Prévert et Son Orgue de Barbarie (recueil "Paroles")

Moi je joue du piano
disait l'un
moi je joue du violon
disait l'autre
moi de la harpe 
moi du banjo
moi du violoncelle
moi du biniou...
moi de la flûte
et moi de la crécelle
Et les uns les autres parlaient parlaient
parlaient de ce qu'ils jouaient.
On n'entendait pas la musique
tout le monde parlait
parlait parlait
personne ne jouait
mais dans un coin un homme se taisait.
"Et de quel instrument jouez-vous monsieur
qui vous taisez et qui ne dites rien?"
lui demandèrent les musiciens.
"Moi je joue de l'orgue de Barbarie
et je joue du couteau aussi"
dit l'homme qui jusqu'ici
n'avait absolument rien dit
et puis il s'avança le couteau à la main
et il tua tous les musiciens
et il joua de l'orgue de Barbarie
et sa musique était si vraie
si vivante et si jolie
que la petite fille du maître de la maison
sortit de dessous le piano
où elle était couchée endormie par ennui
et elle dit:
"Moi je jouais au cerceau
à la balle au chasseur
je jouais à la marelle
je jouais avec un seau
je jouais avec une pelle
je jouais au papa et à la maman
je jouais à chat perché
je jouais avec mes poupées
je jouais avec une ombrelle
je jouais avec mon petit frère
avec ma petite sœur
je jouais au gendarme
et au voleur
mais c'est fini fini fini
je veux jouer à l'assassin
je veux jouer de l'orgue de Barbarie.
"Et l'homme prit la petite fille par la main
et ils s'en allèrent dans les villes
dans les maisons dans les jardins
et puis ils tuèrent le plus de monde possible
après quoi ils se marièrent
et ils eurent beaucoup d'enfants.
Mais
l'aîné apprit le piano
le second le violon
le troisième la harpe
le quatrième la crécelle
le cinquième le violoncelle
et puis ils se mirent à parler parler
parler parler parler
on n'entendit plus la musique
et tout fut à recommencer !



Enfin, pour clore cette soirée qui a vraiment filé, Christian Malaplate nous a offert l'un de ses beaux textes...

DANS LE GRAND SILENCE DE LA NUIT

Dans le grand silence de la nuit, je marche vers des pôles imaginaires.
J’entre dans un chant venu d’ailleurs avec le Verbe qui apaise les ondes.
Je cultive mon jardin intérieur dans le fondement des couleurs ciselées.
Je capte les faisceaux des symboles en pénétrant dans les cercles de la béatitude
Parmi les eaux de la nuit des temps et la mémoire ancestrale des hommes et des dieux.

Dans le grand silence de la nuit, je rencontre des folies brûlantes,
Des peines aux blessures insondables et les interrogations du regret.
Je cherche à faire danser les mots dans le cri de la vie et dans les miroirs sphériques.
Une alchimie secrète naît entre le sens caché des choses et l’usure des jours perdus.
Elle efface lentement les cicatrices intimes et les départs inattendus.

Dans le grand silence de la nuit, j’écoute les longs échos des voix qui se sont tues.
Je façonne les nervures des éclats émotionnels et des murmures du cœur.
Je navigue entre le pays natal et cette contrée sauvage où tout est possible,
A la recherche d’un monde nouveau, à la quête d’une terre promise.
Mes mains dessinent des figures fugitives et des fabuleux bestiaires enluminés.

Dans le grand silence de la nuit, les grands vents semeurs de palabre,
Voyagent parmi les brisures d’étoiles et les lunes tentaculaires.
Des morceaux de musique s’accrochent à des visages aimés, à des souvenirs inachevés.
Des ombres évanescentes dansent dans le reflet d’une lune rousse.
Elles se transforment en étranges clapotis puis elles partent dans une sarabande échevelée.

Dans le grand silence de la nuit, je voyage dans des brumes parfumées,
Dans des galeries translucides, dans des espaces mobiles et dans des sanctuaires animaliers.
Les cercles s’agrandissent. J’entre dans la nuit profonde, hors des limites humaines.
Je deviens un buveur d’horizon qui traîne sur les chemins de l’errance et de l’exil.
Il y a la terre des origines, le soleil des solitudes et tous les ferments de discordes.

Dans le grand silence de la nuit, je nage dans les eaux du secret, dans les eaux de l’alchimie intérieure,
Dans les eaux métamorphosées de l’inconscient et dans les eaux primordiales du monde.
Je chemine dans l’univers des ondes vers les langues de feu et les illuminations de l’esprit.
Je traverse des territoires étranges, des cités interdites, des forêts symboliques,
Des enclos d’innocence, des domaines d’amour et des lieux de contemplation absolue.

Dans le grand silence de la nuit, je pose mes mains sur des crânes. J’entre dans un humble apostolat.
J’égrène des phrases apocryphes, des mots cartographiques et des attentes salvatrices.
Je parlemente avec des bruits avant-coureurs. Je dénude mes saveurs éduquées.
Je bois tous les sucs et toutes les sèves de mon jardin secret
Avant d’entrer dans des cathédrales de lumière et de suivre les chemins de jouvence.

Dans le grand silence de la nuit, je découvre le passage du dense au subtil,
De la matière à l’esprit, le courant de la vie, de la mort et celui de la conscience.
Je devine l’arbre de vie qui a pour sève la rosée céleste et l’harmonie parfaite.
Je porte dans mes bras la gerbe de blé qui symbolise la fécondité de la terre.
Je décortique mon âme, je sais que la lumière de l’aube approche.


Voilà, ce sont les mots sur lesquels nous nous sommes quittés un peu à regret ! Mais, pas d'inquiétude :  nous saurons nous retrouver à d'autres occasions !

L'AFCM remercie tous nos invités et le public pour leur présence chaleureuse et passionnante...


Pour voir la vidéo de cette soirée, rendez-vous sur le site de notre asso :
http://amitiesfrancocolombiennesmontpellier.fr/
 

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