dimanche, janvier 19, 2014

Roberto Bolaño, 2666

Roberto Bolaño est un poète et romancier chilien, né en 1953 à Santiago et mort en 2003 à Barcelone (à l'âge de 50 ans). Avant 2666, il a écrit notamment Les détectives sauvages. Il fait partie des plus grands auteurs latino-américains contemporains.


2666 : le titre évoque un chiffre satanique ou maudit, à l'image du Mexique d'aujourd'hui, selon la vision de Bolaño.



Quand il est décédé en 2003, Roberto Bolaño avait pratiquement achevé ce roman. Celui-ci est découpé en cinq parties. A l'origine l'auteur avait prévu de faire éditer un volume pour chaque partie. Mais les éditeurs ont décidé de le publier en un seul volume : dans cette édition, il fait 1353 pages.
Chaque partie est relatée par un narrateur différent et écrite dans un style très différent. Dans la première partie, quatre chercheurs européens font connaissance : chacun d'eux s'intéresse à un auteur allemand dont le pseudo est Archimboldi. Or cet auteur a disparu, on a perdu sa trace, personne ne sait où il vit. Mais un jour ils apprennent qu'il vivrait dans le nord du Mexique, dans l'Etat du Sonora, plus précisément dans la ville (imaginaire) de Santa Teresa. Ils vont donc partir là-bas pour tenter de le trouver.
La deuxième partie raconte l'histoire de l'homme qui les accompagne et les guide dans leur recherche, nommé Amalfitano : écrivain et philosophe chilien, universitaire exilé à Santa Teresa, au bord de la folie, vivant seul avec sa fille Rosa.
La troisième est racontée du point de vue d'un journaliste afro-américain, Fate, qui est à Santa Teresa pour 2-3 jours, le temps de faire un reportage sur un match de boxe. Or il va apprendre par hasard (tout comme les personnages principaux de la première et de la deuxième partie du roman) que dans cette ville de Santa Teresa ont lieu depuis 1993 de nombreux meurtres de jeunes filles et de femmes. C'est ce fait qui relie toutes les parties du roman.
Dans la quatrième partie sont décrits (de façon détaillée) tous les meurtres de femmes qui ont eu lieu, les enquêtes qui ont été menées, les prétendus coupables débusqués et emprisonnés.
Mais les meurtres continuent...
On retrouve dans ce roman les thèmes de prédilection de Bolaño : la place de l'écrivain, l’art face au Mal, l’errance, les désordres de l’Histoire.
Nous sommes face à un roman foisonnant, mêlant les genres (roman noir, science-fiction, style journalistique, fantas­tique, conte...), avec une infinité de personnages, de lieux, de temps, et une multiplicité de thèmes.
Bolaño nous invite à vivre une belle expérience littéraire. Alors accrochez-vous bien, attachez vos ceintures, soyez prêts à embarquer pour une autre dimension. Vous ne le regretterez pas.


«- Je suis journaliste, comme je vous l'ai dit, dit Guadalupe Roncal. Je travaille dans l'un des grands quotidiens de Mexico. Et si j'ai pris une chambre dans cet hôtel, c'est par peur.
- Peur de quoi ? dit Fate.
- Peur de tout. Lorsqu’on travaille sur quelque chose en rapport avec les assassinats de femmes à Santa Teresa, on finit par avoir peur de tout. Peur qu'on vous frappe. Peur d'un enlèvement. Peur de la torture. Evidemment avec l'expérience, la peur s'atténue. Mais moi je n'ai pas d'expérience. Je manque d'expérience. Je souffre du manque d'expérience. Et même, si l'expression existait, on pourrait dire que je suis ici en tant que journaliste secrète. Je sais tout à propos des assassinats. Mais dans le fond, je n'ai aucune expérience du sujet. Je veux dire que, jusqu'à il y a une semaine, ce n'était pas mon sujet. Je n'étais pas au courant, je n'avais rien écrit à ce sujet, et d'un coup, sans que je m'y attende ni que je le demande, on a posé sur ma table le dossier des mortes, et on m'a donné l'affaire. Vous voulez savoir pourquoi ?
Fate aquiesça de la tête.
- Parce que je suis une femme et que nous les femmes nous ne pouvons pas refuser une mission. Evidemment, moi je savais déjà quel avait été le destin ou la fin de mon prédécesseur. Tous dans le journal, nous le savions. L'affaire avait fait du bruit, et peut-être êtes-vous au courant.
Fate fit non de la tête.
- On l'a tué, bien sûr. Il a fouiné un peu trop dans l'affaire et on l'a tué. »

Rachel Mihault

2666, Roberto Bolaño, Folio, 2004

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