samedi, mars 03, 2012

Présentation de L'opuscule de Daniel Bourdon


L'OPUSCULE de Daniel Bourdon
Fata Morgana, 1995.

Depuis Jorge Luis Borges, on sait que l'Amérique latine est une métaphore. Chacun y a vécu un temps. Pour moi, ce passage fut bref. Il m'a pourtant suffi: dès lors, je me suis habitué à n'accorder qu'une importance relative aux paternités littéraires. L'auteur est aussi vide que le roi est nu. Des phrases s'élaborent, se rassemblent, s'ordonnent. Elles construisent une histoire. Au moment de se présenter, celle-ci, affolée, s'aperçoit qu'elle a négligé de faire acte d'allégeance. L'imaginaire, voire la tradition, ne sauraient pourvoir d'un nom. Qu'à cela ne tienne : le patronyme du premier venu fera l'affaire. Les cinq textes de ce recueil évoquent les œuvres oubliées, inachevées ou inexistantes d'écrivains de seconde zone, méconnus ou fictifs. 



La maison d'édition
Je commencerai par présenter la maison d'édition qui nous fait partager les œuvres de Daniel Bourdon, Fata Morgana: elle nous intéresse de près, puisqu'elle est située tout près de Montpellier, à St Clément de Rivière. Elle édite des livres de littérature et des livres d'art. Elle a été fondée en 1966, par le traducteur Bruno Roy.

Publiant surtout des textes courts, atypiques, singuliers, soit d’auteurs déjà consacrés comme Blanchot, Caillois, Michaux, soit d’auteurs oubliés qu’elle fait redécouvrir, comme Segalen ou  Augiéras , soit encore les grands contemporains comme Jacottet, Réda et Stétié. Dans le domaine étranger, à côté de textes “immémoriaux”, c’est essentiellement le bassin méditerranéen qui est représenté: Grecs, Italiens, Turcs ou Espagnols (comme Cernuda par exemple).
Le catalogue compte environ 500 titres disponibles, et s’enrichit chaque année d’une trentaine de nouveautés. Cette maison d'édition est aujourd'hui dirigée par Bruno Roy et David Massabuau.


Le recueil
Un opuscule est un petit livre scientifique ou littéraire. On devine grâce au titre que cet ouvrage va nous entretenir de littérature. Il est composé de 5 histoires brèves.


Nous l'avons choisi parce que Daniel Bourdon situe les actions de ces récits en Amérique Latine (plus particulièrement au Venezuela, en partie en Colombie). Il y a un côté très agréable à être transporté directement dans l'ambiance locale, par exemple dans le premier récit de cet ouvrage, intitulé également L'opuscule, où le narrateur nous emmène avec lui au cœur de Caracas et nous fait partager son ressenti:
 J'aime la lassitude que distille dans les membres cette chaleur légèrement humide de la ville, et que l'on soigne à l'ombre d'un coin de rue en sirotant un jus de mangue ou d'orange sauvage. (p. 12-13)

L'intérêt de ces récits est qu'ils mêlent la découverte de l'histoire, de la civilisation et de l'environnement latino-américains. On sent que l'auteur connaît bien et aime la culture latino-américaine.


Toutes ces histoires ont en commun un narrateur, chaque fois différent, amateur à la fois de voyages et de littérature. Elles ont aussi en commun un univers énigmatique, et une complexité dans la création et dans le déroulement du récit : ils sont prétextes à une réflexion sur la littérature et le langage. L'histoire commence toujours de façon agréable, par un voyage ou par une rencontre littéraire ; puis, soudain, le narrateur vit une situation imprévue. Et celle-ci détermine l'intérêt du récit.


Pour vous mettre un peu l'eau à la bouche, je vais vous parler de la première histoire racontée dans ce livre :  le narrateur se trouve à Caracas, envoyé là par son entreprise. Il est tranquillement installé à une terrasse et apprécie l'ambiance locale.
L'action est déclenchée par la lecture d'un titre dans le quotidien qu'il est en train de feuilleter : il y trouve un article qui retient son attention, car il parle d'une étude d'un anthropologue qui fait avancer la recherche sur les coplas llaneras. Il va alors décider de se lancer à la recherche de ce livre. A priori, cela ne présente pas tellement d'intérêt pour nous, lecteurs, de lire cette histoire d'un homme qui se lance à la recherche d'un livre sur les coplas llaneras.


En fait, l'intérêt va être de suivre les péripéties que connaît le narrateur dans ce qui va devenir une aventure troublante. Il trouve en effet des renseignements sur l'auteur, mais aucune trace du livre en question. Il commence donc à douter de l'existence du livre.
Mais un jour, il se rend à la bibliothèque de l'Institut des Hautes Etudes d'Amérique Latine, à Paris. Il consulte le fichier papier (à l'époque) correspondant au Venezuela, et réussit à trouver et à emprunter l'opuscule en question. Il en fait une photocopie et, passionné par sa lecture, le traduit dans la nuit. Jusque-là, rien d'anormal.
Mais il décide alors d'écrire un mot à l'auteur, et là tout va basculer :
page 16 : « Ce fut comme si ma découverte avait provoqué l'événement. Car à partir de ce moment tout se précipita. »


Il apprend que l'anthropologue auteur de l'opuscule, qui habituellement passe sa vie en Amazonie, est à ce moment-là à Paris. Il le rencontre, et celui-ci lui apprend qu'il n'a jamais publié ce livre ! Car ses notes sur la copla avaient été perdues lors d'une crue du Haut-Orénoque ! Là, le narrateur se retrouve habité par le trouble et la perplexité. D'autant plus qu'une fois rentré à son domicile, il ne réussit plus à mettre la main sur la copie qu'il avait faite du texte espagnol ! Je vous laisse découvrir la fin de l'histoire...


Rachel Mihault


Sur Daniel Bourdon...

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